COMMENT COMPTABILISER LES ENGAGEMENTS DE RETRAITE

Tout salarié qui a consacré de longues années à travailler pour une entreprise s’attend naturellement à recevoir de celle-ci au moment du départ à la retraite une indemnité. 

Le montant de l’indemnité dépend des facteurs tels que l’ancienneté du salarié, ou encore le salaire qu’il percevait avant de partir de la société.

Comme tu le sais sans doute, le calcul de l’indemnité ne se fait pas de façon arbitraire par la société. Il faut respecter ce que prévoit la réglementation. 

Les règles de calcul sont définies par la loi, la convention collective, un accord d’entité ou une clause du contrat de travail. 

Sachant que les droits de retraite sont acquis par le salarié au fur et à mesure des services qu’il rend à la société durant les années d’activité, il est logique que les entreprises évaluent et comptabilisent sous forme de provisions les engagements à verser dans le futur. Elles doivent également porter une mention appropriée dans les Notes annexes. 

L’évaluation de la provision peut se faire suivant différentes modalités de calcul. L’une d’elles est la méthode actuarielle que les entités faisant appel public à l’épargne ont l’obligation d’appliquer. Les autres entités peuvent appliquer la méthode simplifiée.

Modes de gestion des indemnités de fin de carrière

Il revient à toute entreprise de choisir le mode de gestion de ses engagements de retraite. De façon générale deux modes sont appliquées:

  1. Le mode de gestion interne

Ici c’est l’entité elle-même qui s’occupe de tout. Elle met les fonds de côté, et le jour où un salarié quitte le navire, elle utilise cette trésorerie pour le désintéresser. Ce mode a pour principal avantage que tant que le salarié n’est pas encore parti, la société peut utiliser la trésorerie pour faire du business. Elle ne subit pas de coût d’opportunité. L’inconvénient c’est que la provision comptabilisée dans la plupart des environnements n’est pas déductible fiscalement. La provision comptabilisée est réintégrée dans le calcul de l’impôt sur le bénéfice. 

  1. Le mode de gestion externe

Comme son nom l’indique, l’entité ici externalise la gestion de la retraite et verse périodiquement les fonds à un tiers (compagnie d’assurance ou fonds de pension) qui les gère et qui paiera les engagements futurs. Déjà, il faut souligner que dans cette façon de fonctionner il n’y a pas de provision à comptabiliser, car le risque est transféré à un tiers. 

Comme tu peux l’imaginer, les avantages et inconvénients sont à l’opposé de ce que nous avons dit dans le paragraphe précédent. Ainsi, la prime versée est déductible fiscalement. Cependant, la société subit un coût d’opportunité car se dessaisit d’une trésorerie qu’elle aurait pu faire fructifier avant le jour de la retraite de ses salariés.

Maintenant que les principes de base sont acquis, voyons comment évaluer les engagements de retraite

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Evaluation des engagements de retraite

L’engagement de retraite est le montant des droits accumulés par le salarié en matière d’indemnités de départ à la retraite, qui est à actualiser et à pondérer de la probabilité de devoir verser ces droits.

Avant d’aller plus loin, tu souhaiterais certainement que l’on éclaircisse d’abord les notions d’actualisation et de pondération n’est ce pas?

L’actualisation est nécessaire ici en raison de l’effet temps qui est significatif. Dans les provisions retraite, nous sommes amenés à évaluer à l’avance l’argent que l’entreprise versera dans 20 ans, 30 ans voire plus. Et tu es d’accord avec moi pour dire que 1 franc d’aujourd’hui n’est pas l’équivalent de 1 franc dans 20 ans. La preuve est que si l’on te propose de faire un choix entre avoir 10 000 francs maintenant ou 10 000 francs dans 1 an tu préféreras certainement que l’on te verse 10 000 francs tout de suite. Peut-être même que tu serais prêt à avoir 9 000 F tout de suite plutôt que 10 000 F dans un an, même si le montant reçu est plus faible. Il en va de même de la provision retraite qui doit être évalué à ce qu’elle vaut aujourd’hui. Toute provision retraite est actualisée.

Pourquoi pondérer le calcul? Un employé n’est jamais sûr à 100% de prendre sa retraite. Il peut décéder entre-temps, il peut démissionner, il peut être licencié. Le calcul est donc pondéré de la probabilité de devoir effectivement verser l’engagement de retraite.

L’actualisation et la pondération du calcul des provisions retraite nécessitent de tenir compte dans le calcul de 2 catégories d’hypothèses : 

  • les hypothèses démographiques
  • les hypothèses financières

Les hypothèses démographiques sont toutes liées à la personne du salarié. Ces hypothèses diffèrent d’un individu à un autre. 

La première hypothèse est la probabilité d’être en vie à l’âge de la retraite. Vu la complexité du calcul, pour faire simple, l’on se sert généralement d’une table de mortalité par exemple celle utilisée par les sociétés d’assurance. 

La seconde hypothèse est la probabilité d’être présent dans l’entité à l’âge de la retraite. Il est déterminé en fonction des taux de départ (rapport entre le nombre de départs de l’année et le nombre de salariés) observés dans l’entité sur les dernières années. Il peut aussi être calculé en fonction de la catégorie socioprofessionnelle.

Les hypothèses financières ne sont pas liées à la personne. Il s’agit principalement du taux d’actualisation et du taux d’évolution des salaires.

Le taux d’actualisation comme souligné plus haut est pris en compte parce que l’engagement de retraite ne sera payé que dans le futur.

Le taux à utiliser pour actualiser l’engagement doit être déterminé par référence au rendement procuré par les obligations émises par les entités de première catégorie, avec une monnaie et une durée cohérentes avec les engagements évalués. 

En l’absence de marché liquide sur ce type d’obligations, le taux d’actualisation est déterminé par référence au rendement des obligations émises par l’État.

L’indemnité de départ à la retraite étant fonction du salaire perçu en fin de carrière, nous devons aussi tenir compte d’un taux d’évolution des salaires. Le calcul doit être effectué salarié par salarié. 

Le montant de l’engagement de retraite (indemnité de départ à la retraite) représentant la valeur actuelle de l’obligation à la clôture de l’exercice, est obtenu à partir de la formule suivante :

Engagement = S x N x Aa/At x Pp x Ps x (1+t) –n x (1+T) 

S : Salaire au moment du départ à la retraite   

S = Salaire à la clôture x (1 + taux annuel de progression de salaires) exposant nombre d’années d’activité avant l’âge de départ à la retraite                                                    

N = Nombre de droit à indemnités au moment du départ à la retraite 

Aa/At  = Ancienneté actuelle/Ancienneté totale 

Pp = Probabilité de présence 

Ps = Probabilité de survie 

(1+t)-n = Actualisation 

(1+T) = Taux de charges sociales et fiscales 

Taux de progression du salaire : Le taux de progression doit prendre en compte l’inflation, l’ancienneté, la promotion et divers autres facteurs, comme l’offre et la demande sur le marché de l’emploi. 

Les taux applicables au titre des prélèvements fiscaux et sociaux à la charge de l’employeur concernant l’indemnité de départ à la retraite doivent être pris en compte dans l’évaluation. 

Précision sur l’application de la méthode simplifiée

La méthode simplifiée évoquée au début de l’article fait abstraction de certaines hypothèses.

Dans son application, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la probabilité de décès avant l’âge de départ. Il n’est non plus nécessaire avec cette méthode de tenir compte des hypothèses tenant à la croissance des rémunérations, à condition bien sûr d’en tenir compte dans le choix du taux d’actualisation. 

Collecte d’informations

Pour un calcul correct, il est nécessaire de faire une évaluation «salarié par salarié », et non sur des moyennes, à partir des listes d’employés présents dans l’entité.  Pour chacun des employés de l’entité, il est en pratique nécessaire de disposer d’une information sur : 

  • l’identité du salarié ; 
  • la catégorie professionnelle (pour déterminer la croissance des salaires) ; 
  • la date de naissance, 
  • la date d’embauche et donc l’âge et l’ancienneté à la clôture de l’exercice ; 
  • l’âge légal de départ à la retraite dans le pays ou dans le secteur d’activité concerné
  • le statut de contrat à durée indéterminée (CDI) ou de contrat à durée déterminée (CDD), seul le premier et donc l’âge et l’ancienneté à la clôture de l’exercice  entrant  dans le calcul de l’indemnité probable ; 
  • taux des charges fiscales et sociales patronales applicables aux indemnités de départ à la Retraite. 

Comptabilisation des engagements de retraite

Le compte de provision 196 “Provisions pour pensions et obligations similaires” est crédité par le débit d’un compte de dotation aux provisions (69). Dans le détail voici comment les choses vont se présenter.

Au bilan, la provision est comptabilisée au passif pour la valeur actuelle de l’obligation à la date de clôture (Crédit du 196 Provisions pour pensions et obligations similaires).

Au compte de résultat, l’accroissement d’un engagement de retraite d’une année sur l’autre peut s’expliquer par le coût des services rendus et le coût financier. 

  • Le coût des services rendus au cours de l’exercice est l’accroissement du nombre de droits d’un salarié (débit du compte 6911 Dotations aux provisions d’exploitation pour risques et charges)
  • Le coût financier est lié à la réduction du nombre d’années avant le paiement de l’indemnité, il s’agit d’un effet temps. Il est obtenu en multipliant l’engagement de l’exercice au début de l’exercice, par le taux d’actualisation déterminé au début de l’exercice (débit du compte 6971 Dotations aux provisions financières pour risques et charges).

C’est bien beau tout ce qu’on s’est dit jusqu’ici, mais comment on gère tout ça en pratique? Rien de mieux que de partir d’un exemple.

Application:

La société Compta LTD a embauché au 1/1/N un nouveau salarié qui rejoint la direction financière en qualité de comptable général. Les détails le concernant sont données ci-dessous:

– Age à la date d’embauche du salarié Kamga = 30 ans 

– Date de départ à la retraite = 60 ans 

– Date d’embauche : 01/01/N 

– Salaire moyen actuel calculé sur les 12 derniers mois de service au 31/12/N : 2 000 000F 

– Taux de progression des salaires : 5%  

– Taux d’intérêt de l’emprunt obligataire émis par l’Etat (taux d’actualisation) : 5,65% 

– Probabilité de présence : 98,62% 

– Probabilité de survie selon la table de mortalité : 79%, 

– Taux de charges fiscales et sociales : 10% 

La convention collective stipule qu’à la date de départ à la retraite, le salarié bénéficiera de  40 % du salaire moyen calculé sur les 12 derniers mois de service : 

TAF: Calculez et comptabilisez la provision retraite de M. Kamga au 31/12/N

         Mettez à jour l’écriture comptable au 31/12/N+1

Solution:

Calcul de la valeur actuelle de l’obligation au 31/12/N 

– Indemnité future = 2 000 000 (1,05)^29 x 40% x (1/30)   = 109 763 F 

– Ancienneté actuelle / ancienneté totale = 1 / 30

– Probabilité d’atteinte d’âge de la retraite = (0,9862) x (0,79) = 0,779 

– Facteur d’actualisation = (1,0565)^-34

– Valeur actuelle de l’obligation au 31/12/N = [(2 000 000) (1,05)^29 x 40% x1/30] x 0,779 x (1,0565)^-34  x (1,1) = 14 515 F 

Comptabilisation au 31/12/N

Le 31/12/N Montant débit Montant débit
6911 Dotations aux provisions retraite       
196 Provision retraite
14 515 14 515

Calcul de la valeur actuelle de l’obligation au 31/12/N+1

– Valeur actuelle de l’obligation au 31/12/N+1 = [(2 000 000) (1,05)^29 x 40% x2/30] x 0,779 x (1,0565)^-33  x (1,1) = 30 670

Evolution de la provision = Provision N+1 – Provision N

Soit 30 670 – 14 515 = 16 155.

Cette évolution peut être décomposée entre :

  • Désactualisation de la provision = 14 515 X taux d’actualisation = 14 515 X 5,65% = 820
  • Dotation pour services rendu en N+1 = 16 155 – 820 = 15 335

Par mesure de simplification dans le cas ci-dessus, nous avons considéré que le taux d’évolution des salaires, la probabilité de survie et de présence sont statiques.

Comptabilisation en N+1

Le 31/12/N+1 Montant débit Montant débit
6911 Dotations aux provisions retraite
6971 Dotation provision financière       
196 Provision retraite
15 335     
820

16 155

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