COMMENT ESTIMER ET COMPTABILISER LES PROVISIONS?

Dans la vie courante, faire des provisions signifie constituer des réserves suffisantes des choses nécessaires en vue d’un usage ultérieur. Comme cela, on n’a plus à s’en soucier. Ainsi, on peut faire des provisions de bois avant l’hiver, des provisions de nourriture pour tout le mois, des provisions de carburant (faire le plein) pour la voiture par exemple. Dans chacune de ces situations, les provisions constituées permettent de faire face aux nécessités ou obligations du futur.

En comptabilité, le concept de provision se rapproche de ce qui se passe dans la vie de tous les jours. Une provision est comptabilisée comme un passif ou une obligation au bilan avec en contrepartie une charge dans le compte de résultat. Par exemple, une entreprise qui a un litige avec un tiers au vu de l’évolution de ce litige au tribunal peut considérer qu’elle sera amenée à payer dans un avenir plus ou moins lointain à ce tiers des dommages. La comptabilisation d’une provision au titre de ce litige va lui permettre de diminuer son résultat aujourd’hui constituant ainsi des réserves pour que le jour où elle paie le tiers, la charge définitive soit compensée avec la reprise (annulation) de la provision. On voit donc clairement qu’il y a un lien étroit entre la provision et le résultat de l’entreprise. La provision même si elle est une charge calculée parce que non décaissable (comptabiliser une provision ne signifie pas qu’au moment où l’écriture est passée, on en est en train de dépenser de l’argent) impacte directement le résultat.

Le résultat, on le sait, est la principale mesure de la performance financière d’une entreprise. C’est à travers le résultat que l’on sait si une entreprise gagne ou perd de l’argent, si elle est en situation de profit ou non. Étant donné que la provision contribue à minorer le résultat, il est très important de maîtriser les règles qui permettent de l’estimer et de la comptabiliser afin d’avoir un résultat qui reflète la performance réelle de l’entité.

Pour commencer, tombons d’accord sur ce qu’est une provision en considérant ce que dit la norme Comptable internationale IAS37 à son sujet.

Le concept de provision

Une provision est un “passif dont l’échéance ou le montant est incertain” (IAS37). 

La provision est donc une sorte de dette à régler dans le futur pour laquelle les informations dont on dispose maintenant ne nous permettent pas de définir avec certitude la date à laquelle la dette doit être acquittée et encore moins le montant.

Une provision ne peut être comptabilisée qu’en vertu d’événements survenus dans le passé ou encore d’événements qui se sont produits avant la date de clôture (date pour laquelle l’évaluation des provisions est faite). Autre chose importante à souligner, c’est qu’une provision ne saurait être comptabilisée lorsque la sortie de ressources pour éteindre la dette est aléatoire. 

Les dotations aux provisions pour risques et charges financières à plus d’un an sont inscrites dans un compte de dotation aux provisions, tandis que celles qui sont liées à un risque à moins d’un an, sont portées au débit du compte intitulé : « Charges pour provisions pour risques à court terme » et sont traitées comme des charges décaissables.

Donc, voilà pour la notion de provision, je sais que ce n’est pas encore très clair mais pas d’inquiétude. Dans la suite de l’article tu auras un exemple pour t’aider à mettre du concret dans tout ça.

Pour le moment voyons les 3 règles sinequanone de la constitution d’une provision:

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Règles de comptabilisation d’une provision

Il existe trois conditions nécessaires pour comptabiliser une provision :

  • L’existence d’une obligation actuelle (juridique ou implicite). Cette obligation doit résulter d’un événement passé; le fait générateur d’une obligation est un événement qui crée une obligation juridique ou implicite qui ne laisse pas à l’entité d’autre solution réaliste que de régler cette obligation
  • La probabilité qu’une sortie de ressources représentatives d’avantages économiques futurs sera nécessaire pour régler l’obligation ;
  • L’estimation fiable du montant de l’obligation.

La première condition est l’existence d’une obligation actuelle résultant d’un événement passé

L’obligation peut être une obligation juridique ou encore une obligation implicite. Une obligation juridique est une obligation qui découle des dispositions légales ou réglementaires, d’un contrat ou de toute autre source de droit.

Une obligation implicite est une obligation qui découle des actions d’une entité lorsque :

  • elle a indiqué aux tiers, par ses pratiques passées, par sa politique affichée ou par une déclaration récente suffisamment explicite, qu’elle assumera certaines responsabilités;
  • et qu’elle a, en conséquence, créé chez ces tiers une attente fondée qu’elle assumera ses responsabilités.

L’obligation implique toujours un engagement vis-à-vis d’un tiers à la date de clôture. Le tiers peut être une personne physique ou morale, mais aussi la collectivité. Exemple des provisions touchant à la protection de l’environnement.  Voici quelques exemples d’obligations légales ou implicites pouvant nécessiter la comptabilisation d’une provision: une garantie légale, une garantie commerciale, une extension de garantie, un procès, un plan de restructuration, un contrat onéreux, des pénalités ou coûts de dépollution dans le cas de dommage causés à l’environnement.

La deuxième condition pour comptabiliser une provision est la sortie probable de ressources

Une sortie de ressources représentatives d’avantages économiques est probable pour régler l’obligation de l’entité, c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable que cette sortie de ressources se produira. Lorsqu’on parle ici de sortie de ressources représentatives d’avantages économiques c’est juste pour dire que l’entreprise sera amenée à dépenser de l’argent ou à se séparer d’un actif ayant de la valeur afin d’éteindre l’obligation. Si la probabilité de sortie de ressources est plus improbable que probable, aucune provision ne doit être constatée mais une information dans les Notes annexes doit être fournie au titre d’un passif éventuel. En revanche, si la probabilité de sortie de ressources est très faible, aucune provision n’est constatée et aucune information n’est nécessaire.

La troisième condition pour comptabiliser une provision est l’estimation fiable de l’obligation

L’entité peut déterminer un éventail de résultats possibles et peut établir une estimation suffisamment fiable de l’obligation pour la comptabiliser. La meilleure estimation est le montant supérieur ou inférieur de l’éventail, selon son caractère le plus probable. Si l’estimation n’est pas fiable (cas rare), la provision ne sera pas comptabilisée. Un passif éventuel sera constaté dans les Notes annexes. 

Le montant comptabilisé doit être la meilleure estimation de la dépense nécessaire au règlement de l’obligation actuelle à la date de clôture. Elle correspond au montant que l’entité devrait raisonnablement payer pour éteindre son obligation à la date de clôture ou pour la transférer à un tiers à cette même date. Lorsque la provision à évaluer comprend une population nombreuse d’éléments, l’obligation est estimée en pondérant tous les résultats possibles en fonction de leur probabilité. Cette méthode statistique d’estimation est appelée “méthode de la valeur attendue”.

Schéma comptable

D’une manière générale, les écritures de provision sont passées en trois étapes :

  • la constitution de la provision ;
  • le réajustement ou la variation de la provision ;
  • la décomptabilisation d’une provision.

Constitution des provisions pour risques et charges

J’utilise ici la nomenclature des comptes de l’espace OHADA.

Lors de la constitution d’une provision, les comptes 19 Provisions financières pour risques et charges, 499 Provisions pour risques d’exploitation et H.A.O et 599 Provisions pour risques à caractère financier (Trésorerie) sont crédités par le débit :

  • du compte 6911 Dotations pour provisions pour risques et charges, lorsqu’elle a un caractère long terme et concerne l’exploitation ;
  • du compte 6971 Dotations pour provisions pour risques et charges financières, lorsqu’elle a un caractère long terme et concerne l’activité financière de l’entité ;
  • du compte 854 Dotations aux provisions pour risques et charges H.A.O, lorsqu’elle a un caractère long terme et concerne les opérations non récurrentes ;
  • du compte 6591 Charges pour provisions pour risques à court terme ;
  • du compte 6791 Charges pour provisions pour risques financiers ;
  • du compte 12 Report à nouveau (débiteur ou créditeur) lorsque la provision résulte d’un changement de méthode comptable ou de la correction d’une erreur significative relative à une provision initialement constituée.

Réajustement ou variation d’une provision

Le compte de provisions est réajusté à la fin de chaque exercice par :

  • le débit des comptes de dotations correspondants 6591, 6791,6911, 6971, ou 854, lorsque le montant de la provision est augmenté ; 
  • le crédit du compte 7591, 7791, 7911, 7971, 864, lorsque le montant de la dépréciation doit être diminué ou annulé, la dépréciation, en tout ou partie, sans objet.

Décomptabilisation d’une provision

Lors de la réalisation du risque ou de la survenance de la charge, la provision antérieurement constituée est soldée. Corrélativement, la charge intervenue est inscrite au compte intéressé de la classe 6 ou classe 8. La provision doit être également reprise dans le cas où elle devient sans objet, le risque ne s’étant pas matérialisé.

L’exemple valant mieux que la leçon, voyons à présent une application pour nous exercer à la comptabilisation de provision.

Application

La société COMPTA LTD a pour activité la fabrication et la vente de casques audio. Pour être compétitive sur son marché, elle a décidé d’offrir à ses clients une garantie d’un an sur les articles qui leur sont vendus. En cas de retour pour défaut de fonctionnement, le casque est gratuitement remplacé par un autre tout neuf. Cette garantie est inscrite sur la facture de vente remise au client.

Par expérience, sur la base des observations faites sur les 3 dernières années, la probabilité qu’il y ait un retour est la suivante:

  • Dans 80% des cas, il n’y a pas de retour des articles vendus
  • Il y a une probabilité de 15% qu’il y ait un défaut majeur qui soit à l’origine d’un retour 
  • La probabilité que le défaut déclenchant le retour de stock soit mineur est de 5%

Le coût du défaut majeur est de 1000 F, celui d’un défaut mineur est de 150 F. 1000 000 d’articles ont été vendus au cours de l’année N.

TAF: Calcul et ensuite comptabilise la provision de l’exercice N

Solution de l’application

Calcul de la provision de l’année N

Provision =  (80% X 1 000 000 X 0) + (15% X 1 000 000 X 1000) + (5% X 1 000 000 X 150) 

                      =   0 + 150 000 000 + 7 500 000

                      = 157 500 000 F

Par mesure de simplification, l’hypothèse que nous allons retenir c’est que nous comptabilisons pour la première fois la provision pour garantie client. 

Opérations

Débit

Crédit

Provision garantie client au 31/12/N

6911 Dot provisions pour risques et charges

         192 Provisions garantie donnée aux clients

 

157 500 000



 

157 500 000

Supposons à présent que les mesures prises par la société pour améliorer ont nettement contribué à une baisse des retours clients pour défaut fonctionnel. Et qu’une réestimation des provisions garantie client à fin N + 1 conduit à un stock de provision de 150 000 000F.

Vu le niveau de provisions nécessaires (150 000 000 F < 157 500 000 F), il sera nécessaire de reprendre la fraction supplémentaire.

Reprise = 157 500 000 – 150 000 000 = 7 500 000F

Opérations

Débit

Crédit

Provision garantie client au 31/12/N

192 Provisions garantie donnée aux clients

       7911 Dot provisions pour risques et charges         

 

7 500 000



 

7 500 000

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